Brèves du Fenua

« Fenua ». On voit ce mot un peu partout, tel une marque ou un label. Il signifie en fait « le pays », ou encore « le peuple ». Voilà un condensé de nos dernières rencontres du Fenua sur Bora-Bora et Moorea (faites principalement en auto-stop), toujours des beaux moments de vie.

Il y a ce jeune couple qui en avait assez de vivre en famille, une grande famille comme d’autres, avec beaucoup de personnes dans un espace concentré, et beaucoup de disputes à la longue. Mais s’éloigner de la famille, cela veut dire souvent parcourir plusieurs kilomètres sur la route côtière. Car les terrains d’une vallée, d’un versant de falaise ou d’un hameau, appartiennent souvent à la même famille. Ils ont donc pu récupérer un terrain et s’exiler quelques kilomètres plus loin. Mais il ne faut pas croire que l’acquisition d’un terrain est chose facile en Polynésie : outre le prix de la terre, prohibitif, il faut s’accorder pas seulement avec le propriétaire, mais tous les autres potentiels ayant droit … et ici la définition de l’ayant droit peut être large, et excéder largement le premier cercle familial.

Il y a ce californien qui, nous voyant en bord de route et pouce levé, fait demi-tour pour pouvoir nous embarquer. En repartant dans l’autre sens, il nous confie que pour son dernier jour en Polynésie, il a décidé de tourner en voiture autour de l’île de Moorea, à la recherche d’auto-stoppeurs à charger et d’histoires à partager. Lui est ici pour une raison bien spécifique : tester la méthode ancestrale de tatouage polynésien à coup de marteau et d’aiguille en os. « Je n’ai pas eu vraiment mal » nous dit-il. Car en terme d’épreuves, notre californien s’y connait … Quand on lui demande pourquoi il roule avec un bidon de 5l d’eau sous le coude, il nous dit que depuis neuf mois, il essaie d’effacer ses excès de whisky et bière des 30 dernières années. 5 litres d’eau, pour contrecarrer le litre de whisky et les 4 litres de bière qu’il s’enfilait quotidiennement.

Il y a Antoinette, pétillante soixantenaire, qui nous raconte sa rencontre avec Serge, lorsqu’ils étaient tous deux salariés au Club Med de Moorea. Après deux ans passés à tenir le bar en compagnie d’Antoinette, Serge devait rentrer en France. Rien ne s’était dit ni passé entre eux, mais les mots sont parfois écrasés par le poids des sentiments. Alors que se terminait la nuit fêtant le départ de Serge, un ami commun a fait en sorte d’amener Antoinette devant le bungalow de Serge. Serge ouvrit la porte et lâcha timidement un « Je n’aurai jamais osé ». Trois mois plus tard, Antoinette débarquait à Paris avec ses 19 ans à peine révolus. Elle revint près de 20 ans après, pour trouver l’aide de tantes « guérisseuses » et enfin tomber enceinte de son amour, elle à qui on avait annoncé que cela ne serait pas possible. Aujourd’hui, elle coule des jours heureux avec son mari et son fils … et à notre descente de sa voiture, elle charge les bras de Noah de ramboutan (le cousin du litchi). Elle fait ensuite demi-tour pour rejoindre sa maison, après un détour plus que conséquent.

Il y a ce grand gaillard, qui nous prend en stop pour nous mener au lagon sud de Bora Bora. Agent de sécurité sur le Conrad Bora Bora Nui, un des hébergements les plus réputés de l’atoll, il voit défiler des acteurs américains, des stars du sport, comme Usain Bolt, qui a sacrément grossi il paraît … et aussi des princes saoudiens, qui débarquent en yacht, et réservent la moitié des cabanes sur pilotis pour leur suite. Il nous laisse au bord de la plage de Matira qui, avec son sable blanc lumineux, borde un lagon de toutes les nuances de bleu. « Celle-là, c’est clairement la plus belle, et elle est à tout le monde ! » nous lâche-t-il avant de repartir. Dans ce décor incomparable d’île paradisiaque du bout du monde, Noah se jette à l’eau, et au milieu des poissons multicolores, dessine des arabesques dans les profondeurs de l’eau turquoise.

Il a ce cortège de voitures surmontées de drapeaux bleus et blancs, qui déboule sur la route unique entourant l’île de Moorea. Des indépendantistes, comme il y a quelques semaines à Papeete. Cela nous rappelle la discussion il y a quelques jours avec un vieil homme à la gouaille facile. Installé ici depuis 1972, il venait passer le week-end avec ses potes d’origine polynésienne, française ou chinoise, pour aller pêcher au large en journée et descendre quelques bouteilles de whisky à terre le soir venu. Le sujet de discussion tombé sur la table tournait autour des velléités d’indépendance polynésiennes. « La Polynésie, ce n’est pas la Calédonie » nous lançait-il. « Ici, même si on voit quelques drapeaux indépendantistes dans les coins les plus reculés et quelques manifestations, on n’en veut pas vraiment ». « La population est tellement métissée entre Polynésiens, français, chinois, américains … qu’il n’y a pas vraiment de clans qui s’opposent, comme les Kanaks, les Caldoches et les Zoreilles. ». « Regarde, aux dernières législatives, les députés sortants indépendantistes se sont faits sortir ». C’est oublier qu’il y a un an, la victoire des indépendantistes aux élections territoriales les encourageait à imposer à l’état français un référendum d’autodétermination. Affaire à suivre donc.

Il y a cette mamie bien enveloppée qui débarrasse le siège avant d’une montagne de boite de biscuits chocolatés pour nous embarquer … et en refourgue une à Noah. Elle constate qu’il y a moins de touristes en ce moment, ce que tout le monde reconnaît, sûrement parce que les bateaux de croisière ne posent plus l’ancre dans la baie depuis 3 mois … mais qu’au final ce n’est peut être pas plus mal. Sa gentillesse et sa bonne humeur communicative poussent Berga à faire profil bas lorsque la mamie jette son emballage par la fenêtre.

Il y a ce gros 4×4 moderne, qui pile devant nous, et dont les parents à l’avant demandent aux deux adolescentes de s’entasser l’une sur l’autre pour nous faire de la place. Ce sont des agriculteurs aisés de Tahiti Iti qui passent une semaine de vacances, tout en restant inquiets de l’évolution de leurs cultures durant leur absence … et de la charge de travail qui se profile devant eux au retour. Malgré leur boulot, ils restent curieux de voir comment va se passer l’épreuve de surf des Jeux Olympiques dans deux semaines, qui se déroule sur la vague de Teahupoo, à quelques encablures de leur propriété.

Il y a ce jeune homme enthousiaste, qui parcourt la route côtière de Bora Bora et nous embarque en deux-deux, car il suit la course de va’a (pirogue polynésienne) qui se déroule à quelques dizaines de mètres de la côte. A l’eau, une centaine d’embarcations s’affrontent à la force des rames et des bras. Les sportifs de son club portent un tee shirt jaune fluo, bien visibles dans les bas fonds du peloton, même s’ils rament fort depuis près d’une dizaine de kilomètres maintenant. Mais il est dit que rien n’entachera sa bonne humeur : la fête de ce soir sera belle, et vu qu’elle tombe en même temps que le Heiva et ses danses traditionnelles, elle rassemblera une grande partie de l’île.

Il y a notre hôte, Kihiarii, qui embarque à Berga et Noah dans sa voiture pour aller à la poste et faire quelques courses. Elle partage son opinion sur le changement de président polynésien, peut-être pas une si bonne affaire même s’il fallait du changement, le coup des produits alimentaires de base, qui ont explosé ces derniers mois, les nouveaux horaires de l’école, de 7h à 14h, et le froid qui sévit cet hiver, avec ces nuits qui frisent les 20 degrés et qui enrhument tout le monde.

Au travers de nos rencontres, quelques bouts de vie du fenua qui nous montrent la générosité, le caractère enjoué et détendu des Polynésiens, toujours contents (au moins ceux qu’on a rencontrés !) de discuter avec des gens de passage.

2 Commentaires

  1. Coucou la familia… Toujours sympa de vous lire… De partager votre périple avec ces superbes photos qui font rêver !!! Peut-être vous préparez vous à surfer Teahupoo 🏄… Ou bien êtes vous en train de choisir un Patutiki… Bonne continuation. Bises à vous 3.

  2. salut les tahitiens je viens de voir les previsions du local michel bourez pour teahupo’o il devrait y avoir de jolies vagues ce week end … serez vous dans le secteur ? continuez à nous faire rever bises à tous les 3
    lolo

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