Entre terre et mer

Le soleil se lève, ses rayons caressent la toile de la tente. Il fait 24°C, Noah ouvre les yeux, et disparaît de la tente en quelques secondes. Il va récupérer chez l’épicier du coin la baguette à 60 francs polynésiens, et en profite pour réveiller les chiens et les poules du quartier. On se lève tous, on prépare le petit déjeuner, et en avalant notre bol de chocolat au lait on choisit notre activité du jour : aujourd’hui cela sera soit une randonnée qui offre un point de vue sur l’atoll entourant les îles de Raiatea ou de Tahaa, soit une sortie en kayak pour faire une virée sur un des motus (petit ilot posé sur le récif corallien) environnants. Dans tous les cas, on se baignera dans une eau à 27°C. La journée avance, le soleil descend doucement, et finit par se coucher sur l’océan, ses couleurs pastel irradient le ciel. Berga nous propose de cuisiner son immuable pavé de thon au lait de coco, sûrement le mets dont les ingrédients sont les plus faciles à trouver ici : on sourit avec Noah, on adore.

Si on était polynésien, peut être qu’on calerait aussi dans la journée une sortie en barque, et après avoir fait vrombir les 20 chevaux du moteur Suzuki, on irait poser quelques lignes en mer, ou on rendrait visite à la famille installée sur le motu d’en face. Accessoirement on aurait mis à l’eau la pirogue va’a (reconnaissable avec son balancier relié à la coque par deux bras), et on aurait ramé fort pour le plaisir. Pas trop de marche, car la randonnée, ce n’est pas le point fort de la plupart des habitants des îles. Pourtant la configuration volcanique des îles polynésiennes sous le vent, avec une montagne centrale élevée (le point le plus élevé de Raiatea dépasse 1000 mètres sur une île dont la longueur principale ne dépasse pas 20 kilomètres), pourrait aider à la pratique. Mais les Polynésiens sont tournés vers la mer, et la montagne est d’abord le territoire du sacré et des légendes.

En parlant de légendes …
Les îles sous le vent regorgent de légendes, avec autant de versions que la Polynésie compte de conteurs, c’est à dire sans limite. Hiro, dieu des voleurs, en est l’un des principaux protagonistes – et comme les autres dieux, il a contribué à forger le paysage des îles. On raconte qu’il a coupé l’île de Huahine en deux et il y a laissé sa rame et son hameçon que l’on peut toujours voir dans la baie de Maroé. On raconte aussi qu’il avait l’intention d’attacher l’île de Moorea et de la tirer jusqu’à Raiatea pour en faire une seule île. Cette entreprise réveilla le guerrier Pai qui en réaction lui envoya une lance de combat de Moorea, qui rebondit une fois dans la mer et finit sa course en se figeant au sommet de Matarepeta, au sud de Raiatea. La montagne percée fait le bonheur aujourd’hui de l’appareil photo du touriste de passage. Ce satané Hiro a aussi dérobé le joyau de la princesse Hina (un merveilleux collier de perles d’une perfection et d’une taille exceptionnelle) et s’en est allé avec son butin rejoindre Huahine. La princesse lança à ses trousses un chien géant et féroce, au flair extraordinaire, qui d’un bon sauta d’une île à une autre pour finalement trouver la cachette d’Hiro sur Huahine, et en récupérant le joyau, laissa sa trace de patte sur la pierre qui l’abritait : trace de patte qui a traversé les âges jusqu’à nous. Autant de légendes perpétuées par nos hôtes ou le gars qui nous prend en auto stop sur le bord de la route, et alimente la richesse de la culture orale polynésienne.

En parlant de culture…
Une excursion sur Tahaa nous a permis de découvrir les productions locales : rhum, vanille et perles de culture.
La visite de la rhumerie dès 9h30 du matin est abrupte, surtout avec la dégustation associée d’un rhum agricole dont le taux d’alcool oscille entre 45 et 55°. Ici, sur Tahaa, la culture de la canne à sucre a été développée par trois copains, dans l’idée de lancer une distillerie. Aujourd’hui, Mana’o Tahiti (le nom de la marque) propose une gamme de différents rhums et gin distribués dans tout l’archipel. Malgré une méthode de production très artisanale (embouteillage à l’entonnoir), la petite entreprise se développe et partage son activité dans des distilleries à Raiatea et à Tahiti.
L’île de Tahaa est également appelée l’île de la vanille. Une visite de la coopérative « Vallée de la vanille » nous permet de mieux comprendre la culture sur tuteur de la vanille et ses processus de séchage et de massage des gousses. Différents produits sont commercialisés : gousses, poudre, monoï, savon …
Enfin, la visite de la ferme perlière Champon nous apprend beaucoup sur la culture des fameuses perles noires. Il est important de bien choisir les huitres porteuses (elles possèdent une auréole bleue-rose sur le bord intérieur de la coquille) pour y glisser une « fausse » perle blanche extraite d’un coquillage du Mississipi. C’est ensuite l’huitre qui produit le nacrage naturel pendant environ 18 mois autour de ce leurre. Les perles sont ensuite extraites des huitres et réparties par catégorie de qualité (pureté, taille et forme). Les perles de qualité sont recherchées pour être montées seules, les autres sont assemblées pour différents bijoux. Berga me regarde en souriant : il y a de quoi engloutir notre budget voyage dans un nuage de perles.

Et puis l’Océan Pacifique, toujours.
Ces derniers jours, nous avons donc continué à apprivoiser la mer avec différentes sorties autour de Raiatea et Tahaa : en ramant par exemple sur notre kayak deux heures vent de face vers un motu large comme notre jardin, mais où on a pu voir évoluer une nouvelle raie pastenague à quelques encablures de la plage de sable ; en se faisant déposer par bateau sur un motu isolé, où on a passé en famille une journée entière à jouer à Robinson Crusoé sur un motu utilisé pour Koh-Lanta, avec construction de cabane, bataille de noix de coco, minigolf en utilisant les trous de crabes, chasse au trésor … et bien sûr plongée dans de magnifiques jardins de corail.

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