22 août 2024, Montréal est toujours sous la pluie. On cherche un abri : cap sur la biosphère sur l’île Sainte Hélène, peut être l’endroit le plus lumineux de la ville, et la grande bibliothèque centrale. Le jour suivant est plus joyeux côté climat : sous le soleil, on enfourche une dernière fois nos vélos pour une ballade dans la ville. Dans la montée du Mont Royal, Noah grimpe en danseuse au milieu des badauds. Le soleil descend, ce sont nos dernières heures au Québec, et il est temps de lâcher les vélos. D’ailleurs celui de Jéjé faiblit (la poignée de vitesse du dérailleur arrière casse, un rayon de la roue arrière fait de même). On voit le moment où on doit le laisser sur le bord du trottoir. Finalement, par un site de petites annonces local, on arrive à le vendre à prix bradé, les deux autres vélos partant comme des petits pains. On charge sur le dos nos lourdes besaces, avant de les envoyer dans la soute du Flixbus qui relie Montréal à New York. Pour nos derniers jours américains, on revient à notre mode routard.
Un jour, j’irai à New-York … en famille
Basculer entre les deux villes peut paraître violent tant la circulation, les lumières, les bruits et les buildings sont différents. On a l’impression de basculer d’une agréable bourgade provinciale à une ville sortie de l’imagination d’un auteur de science-fiction. Le béton, le verre, les flèches d’acier, tout est si démesuré qu’on est pris de vertige, malgré nos pieds biens arrimés dans le bitume de Manhattan. La sensation d’être une fourmi se baladant dans une jungle écrasante, sans autre perspective qu’une végétation envahissante, avant qu’une petite fenêtre dans le toit de la canopée ne s’ouvre et donne un bref aperçu du ciel bleu qui trône là-haut, très haut. On s’en briserait la nuque, à rester les têtes en l’air. Cette ville est tellement incroyable, qu’à chaque coin de rue notre regard est capturé, avant d’être relâché, recraché, plus loin, abasourdi. Les appareils photos n’arrivent définitivement pas à prendre la démesure de l’endroit – on se demande comment capturer l’énergie qui se dégage du lieu – ce qui nous semble sûr, c’est qu’être sur un des gratte-ciel qui nous entoure, ne nous semble pas pouvoir donner une image plus représentative de ce qu’est New York.
Trois jours où on fait près de 60 kilomètres à pied et autant en transport en commun – il faut au moins ça pour prendre en main la grosse pomme. On consacre le premier jour à visiter deux musées emblématiques de la vie, le MET (Metropolitan Museum of Art) et le Muséum d’Histoire Naturelle. En sortant au milieu de Central Park, océan de verdure de 800 mètres de large et près de 4 km de long en plein centre ville, on tombe vite d’accord sur le fait que l’essentiel à voir est à l’extérieur. On redescend sur l’avenue de Broadway avec ses théâtres, jusqu’à rejoindre Times Square, ses immenses enseignes lumineuses, ses spectacles de rue et ses battle de hip hop. Le lendemain, on se dirige vers le sud de l’île de Manhattan, son cœur historique. On alterne entre la 5ème et la 9ème avenue, on louche sur les magasins de luxe, avant de rejoindre les quartiers populaires : Little Italy, et surtout Chinatown. Là, au milieu du parc Columbus, les mamies, descendantes de l’Empire du milieu, se défient aux cartes tandis que leurs compagnons dépilent les pièces de Mah-jong. On traverse le Manhattan Bridge, à quelques mètres du métro aérien, qui fait vibrer le pont et les corps … avant de redescendre sur Brooklyn, dont on sent que la rénovation des bâtiments a gentrifié le quartier du bord de l’Hudson River. Le Brooklyn bridge nous permet de revenir sur l’île, d’où on saute sur un ferry passant à quelques encablures de la statue de la liberté. Plein les yeux, oufff … le soleil tombe, Berga aurait bien poussé la journée jusqu’à New York late night, mais les jambes de notre marmot sont désormais lourdes. Retour à notre petit havre de paix situé dans le New Jersey.
La High Line est une ancienne voie ferrée réhabilitée pour les piétons – elle permet de traverser la ville sans renifler le pot d’échappement des taxis jaunes. On pousse nos pas jusqu’au plus vieux des gratte ciel, l’Empire State Bulding – ces 350 mètres de haut qui ont fait la renommée de New York semblent désormais un poil « ramassés » dans la course céleste engagée avec ses voisins qui dépassent aujourd’hui les 400 mètres. Le One World Trade Center, avec ses 541 mètres de haut, ou encore deux immeubles résidentiels, le Central Park Tower (472 m) ou la Steinway Tower (435 m). Ce dernier, construit en forme de flèche affinée et raffinée, n’abrite qu’une soixantaine d’appartements sur ses 84 étages. Si vous souhaitez en faire votre résidence principale, il vous en coûtera 8 millions d’euros, pour les quelques dizaines de mètres carré d’une chambre de bonne – plus de soixante millions d’euros si votre large famille vous oblige à viser le duplex de plusieurs centaines de mètres carré. Quelque chose de logique dans tout ça et finalement de très moyenâgeux : comme du temps du commerce des indulgences, où les offrandes servaient à raccourcir son passage au purgatoire et à entrer plus lestement au paradis, l’argent encore aujourd’hui aide à s’élever et à se rapprocher de Dieu … pour la promesse d’une vie éternelle ? On pousse nos pas pour remonter Broadway et profiter une dernière fois de l’ambiance des spectacles de rue : cela tombe bien, un français ragga-muffin fait son show devant un public conquis. Parfaite transition pour rentrer au bercail !
28 août – on arrive à Bouan, notre petite village pyrénéen, avec ses gratte-ciels de deux étages, ses murs de calcaire et non de béton et de verre, ses panneaux d’information plein de couleurs, sa furie post-estivale … Les yeux remplis d’images, la tête gavée de souvenirs, les jambes durcies, nous voilà à la maison après ces quatre mois de pérégrination entre le continent américain et le Pacifique, accueillis par nos voisins, amis.
La suite, il nous semble déjà la connaître … une lente sédimentation, qui prendra de nombreux mois … puis une inspiration, une envie qui mûrira pendant de nouveaux mois … et enfin un projet, un itinéraire, et des rêves à accomplir … pour un nouveau départ ! Noah, Berga et Jérôme