La Croatie est remplie de grands personnages. A prendre d’abord au sens propre. Il y a quelque chose qui marque lorsque l’on se promène dans un petit port de l’Adriatique ou dans un village de vignerons, c’est la taille des habitants. Les hommes sont grands : on parle de 185 cm de moyenne pour les hommes, contre 175 cm pour les français – la même différence existe entre femmes des deux pays. Des scientifiques se sont penchés sur la question, mais à part constater que le phénomène touche tous les pays adjacents aux Alpes Dinariques (Croatie, Bosnie, Serbie, Monténégro …), aucune explication plausible n’émerge. On pourrait parler du régime alimentaire, mais rien dans le fromage (de brebis), la viande (jambon fumé ou viande hachée) ou le poisson (seiche ou calamar) ne nous semble trop original.
Le pays a donc donné naissance à des sportifs qui ont su profiter de leur taille pour dominer leur sport : les 193 cm de Goran Ivanisevic, le tennisman qui a remporté Wimbledon en 2001, les 175 cm de Janica Kostelic, skieuse six fois médaillées olympique, les 211 cm de Toni Kukoc, le basketteur ayant remporté trois titres de NBA auprès de Michael Jordan, les 194 cm de la sauteuse en hauteur Blanka Vlasic, les 172 cm du meneur de jeu de l’équipe croate de football et du Real Madrid, Luka Modric, qui nous a fait tant de mal en finale de Coupe du monde … ok pour Luka, la taille ne compte pas, le talent suffit !
Celui dont je veux vous parler n’était certes pas immense dans son pays, il atteignait tout juste les 196 cm, faisant en fait partie des 26% des hommes qui dépassent ici le 1,90 m – autant dire qu’au bal du samedi soir, il avait du mal à faire un tour d’horizon sans être sous l’ombre d’autres géants. Si son nom me revient aujourd’hui, c’est que j’ai vu son portrait affiché à l’entrée de la vieille ville côtière de Sibenik.
Si tu ne connais pas Freddy Hufnagel, Richard Dacoury, Mathieu Bisseni ou Gregor Beugnot, abrège tes souffrances, on se reverra dans une semaine pour parler d’autres choses que de basket. Sinon, tu as ta place ici, avec sûrement l’un des plus grands basketteurs européens, du moins par le talent, Drazen Petrovic.
Drazen, c’était ce petit garçon qui portait une ceinture à cause d’une luxation des hanches à la naissance, touché par un souffle au coeur à 11 ans, mais qui comme ses copains était fan du meilleur jeune basketteur des environs, son aîné de trois ans, son frère. Alors il l’a suivi partout, jusqu’à forcer l’entrée des équipes des plus âgés de Sibenik ; il s’est fait tellement sur-classé (pour jouer en catégorie d’âge supérieure) qu’il affrontait en match officiel des adultes à 12 ans. Il intégra l’équipe première de la ville à 15 ans, alors en top division de la Yougoslavie. A 17 ans, il devenait le taulier de son équipe, s’inclinant contre Limoges en finale de la Coupe européenne Korac, tournait à plus de 25 points de moyenne à 18 ans, devint l’artisan principal de la victoire avec le Cibona Zagreb contre le Real Madrid dans la plus grande compétition européenne à 20 ans, et marqua 112 points lors d’un match officiel. Après un passage à Zagreb et au Real de Madrid, il intégra la ligue américaine de basket, la NBA, et mit 3 ans à y devenir une star. Durant ce temps il a cumulé avec l’équipe nationale trois médailles aux championnats d’Europe, deux aux championnats du monde, et trois aux Jeux Olympiques. Avant de mourir sur une autoroute allemande dans un accident avant ses 30 ans.
Drazen était un soliste, un arrogant, il aimait provoquer son adversaire direct, chambrer le public – il incarnait le concept de star au basket, que Jordan a repris pour l’amener à son firmament. Mais si le caractère du personnage pouvait parfois rebuter, son talent fascinait : il passa par exemple 51 points à Limoges dans un match homérique où malgré une défense axée sur lui, il fit tourner tous ses défenseurs en bourrique.
Si ça peut rassurer ceux que les grands exaspèrent, sachez que la Croatie ne régénère son cheptel de grandes pousses désormais qu’au compte-gouttes. Je disais à Berga depuis notre entrée au pays : « Mais ils sont où les jeunes ? ». La dernière guerre des Balkans qui s’est terminée en 1995 en Croatie et l’émigration importante qui a suivi ont provoqué une saignée démographique importante. Mais plus encore, la natalité est en berne avec 1,5 enfant par femme, et le taux d’accroissement naturel demeure négatif avec -1,7 %. La Croatie comptait 4,8 millions d’habitants en 1991, 4,4 millions en 2001, elle en compte 4 millions aujourd’hui. Alors si vous voulez voir les derniers dinosaures de la planète dans un paysage de carte postale, venez en Croatie.
Pour le reste, vent plutôt nul ou favorable, grand soleil dès 8 heures le matin, 25 degrés en courant d’après-midi, route dans un cadre idyllique le long de la Mer Adriatique, avec quelques tronçons bien pentus pour nous rappeler qu’on voyage quand même à vélo. On commence à se poser la question de continuer notre route toujours plus au sud pour profiter de cet été sans fin. Il ne reste qu’à trouver la côte qui relie la Méditerranée aux Océans austraux.
super de revoir les exploits de drazen, j ai montré ça à papi jojo cela lui a rappelé le bon temps ou il nous amenait à la moutéte dans la renault 16.
bises à tous les 3
bravo les rouleurs, continuez de rêver et de nous faire rêver
Magnifique périple, merci pour ces textes magnifiques, ces superbes photos et très bonne route à vous trois. Bisous à noha.
C’est super de vous suivre ! Et un bronzage cycliste… au top Jerome !!
Bonne continuation !