Lorsqu’on parle du Vietnam les premières images qui me viennent en tête sont tirées du cinéma Hollywoodien : Apocalypse Now, Full Metal Jacket ou Platoon – ça s’appelle du « biberonnage » à la culture américaine. Mais dans ces films, le Vietnam ne sert que de décor de carte postale, car finalement on y parle bien plus des américains et de leurs problèmes psychologiques que des vietnamiens et des ravages que leur pays a subis.
L’occasion est donc belle d’élargir notre perspective sur ce pays et son histoire. Et les découvertes n’ont pas manqué dans ce premier mois au Vietnam pour s’informer et comprendre ce qui sous-tend l’identité vietnamienne (j’ai utilisé le gras pour souligner sites que nous avons visités). My Son, avec ses temples construits par la civilisation Cham, met en relief l’une des grandes ethnies ayant occupé le centre du Vietnam, dès le IIe siècle. Les Chams étaient un mélange de paysans, marchands, et de pirates venant de Malaisie, d’Indonésie, mais aussi d’Inde – ils avaient principalement adopté la religion hindouiste, parsemée de touches bouddhistes.
L’ethnie qui prit l’ascendant sur le territoire de l’actuel Vietnam fut finalement celle des Viêt. Aux origines incertaines (nord du Vietnam ou sud de la Chine), ce peuple se développa tranquillement pendant le millénaire avant J.-C. autour du Fleuve Rouge (au nord du pays), avant d’être soumis par les Chinois pendant un autre millénaire. Les Viêt finirent par les repousser à force d’insurrections, et étendirent leur emprise vers le sud, en annexant progressivement le royaume Champa et en repoussant l’influence des Khmers. Ils connurent un nouveau petit millénaire d’indépendance, avec une forte influence chinoise. La ville de Hoi An, où on a passé quelques jours enchanteurs dans des quartiers exceptionnellement préservés, est un exemple parfait du mélange des cultures de cette époque : dès le XVe siècle, elle était alors un important port et une ville prospère sur les routes du commerce de la soie, et comptait parmi ses résidents nombre de commerçants chinois, japonais, indiens, et même portugais et hollandais.
La dynastie des empereurs Nguyen va définitivement unifier le pays, prendre Hué comme capitale du pays, en y installant leur cour dans une cité impériale renommée pour son raffinement culinaire et musical. On est à la moitié du XIXe siècle, et le Vietnam va connaître une nouvelle période d’occupation avec la destruction complète de leur capitale : c’est le début de 80 années de colonisation française, qui va durer jusqu’à la seconde guerre mondiale – elle est poursuivie par l’occupation japonaise pendant la guerre. Les empereurs de la dynastie Nguyen vont se soumettre progressivement aux occupants, avant de s’effacer totalement devant les revendications nationalistes puis communistes exprimées par la résistance vietnamienne – cette dernière revendique l’indépendance contre l’occupant français revenu après la 2nde GM. Le dernier empereur Bao Dai, vivant une vie de plaisir dans son palais d’été de Dalat, est obligé de quitter définitivement le Vietnam pour la France, où il avait été initialement éduqué. La guerre d’indépendance de l’Indochine voit au final les Français défaits par les Vietnamiens à la bataille de Den Bien Phu en 1954, et le Vietnam coupé en deux républiques.
Cette guerre en a appelé une nouvelle, dans une suite presque immédiate et chronologique, connue sous le nom de guerre du Vietnam, menée par d’un côté par le République du Sud Vietnam et des Américains qui voulaient endiguer là la progression du communisme dans le monde, et de l’autre par la République Populaire du Nord Vietnam, soutenue par la Chine, l’Union Soviétique et le Bloc de l’Est. Deux visites nous ont marqués : celle des tunnels de Cu Chi, où la résistance vietnamienne se terrait sous les bombardements américains (7 millions de tonnes de bombes américaines ont été largués sur le pays, à comparer aux 3 millions durant la 2GM !) et préparait sa riposte, et celle du Musée des Vestiges de la guerre à Ho Chi Minh Ville, où les vainqueurs présentent les conséquences de l’utilisation des armes chimiques (dont le tristement célèbre « agent orange ») par les Américains, provoquant près des centaines de milliers de morts (3 millions au total dans la guerre), avec une majorité de civils – sans compter la contamination des sols qui continue jusqu’aujourd’hui à provoquer des problèmes de santé. Certes la présentation du musée est faite à partir d’un seul point de vue, mais elle a le mérite de mettre des mots et des photos sur les horreurs de cette guerre.
1973 : les Etats-Unis retirèrent leurs troupes, il ne fallut que deux années pour que le nord Vietnam soumît le Sud et unît le pays. La répression s’est alors abattue sur ceux qui avaient collaboré avec l’agresseur. Le blocus américain contre le Vietnam dura 20 ans, tandis que le voisin et précédent allié chinois fut un nouvel adversaire dans la guerre sino-vietnamienne de 1979. Avant une normalisation et un développement de leurs relations.
Depuis la moitié des années 90, le Vietnam connaît une croissance exceptionnelle, le revenu moyen des habitants a été multiplié par dix. Et même si le pays est toujours sous le régime d’un parti unique communiste, régulièrement épinglé pour ses affaires de corruption et ses tentatives de museler la liberté d’expression de la jeunesse, il est pleinement intégré dans la mondialisation de l’économie.
Quelque chose émerge du parcours singulier de ce pays : son exceptionnelle capacité de résilience – le Vietnam a connu toutes sortes d’occupations et de guerres, s’est battu contre les plus grandes puissances du monde, a parfois plié, mais a finalement su imposer sa voie. Aujourd’hui de nombreux défis attendent le pays, et notamment sa lutte incessante pour ne pas tomber sous la coupe de son géant voisin chinois, auquel il est lié par de forts liens économiques. La lutte d’influence dans la Mer de Chine où la Chine annexe des îlots et récifs coralliens au grand dam du Vietnam qui revendique sa souveraineté sur ces espaces de mer en est un exemple frappant … ce qui a provoqué en 2014 de violentes émeutes anti-chinoises et des dizaines de morts. Cela est à lier avec le rapprochement avec les Etats-Unis depuis la fin du blocus, rapprochement économique d’abord, mais aussi sécuritaire. A se demander si l’histoire condamne le Vietnam à être le terrain de jeu de l’impérialisme des super puissances mondiales … avant de mieux renaître de ses cendres !
Résumé historique et analyse très précise de la situation ; merci ! J’ai lu avec attention, et j’y reviendrai… J’ai lu un beau roman vietnamien, Terre des oublis de Duong Thu Huong. je vous le prêterai à votre retour. Bises, Nathalie