Une semaine en Péloponnèse

Le dimanche par Noah
Le Péloponnèse, c’est la cerise sur le gâteau grec de Papa. Mycènes, Tyrinthe, Nauplie, Epidaure, Sparte, Olympie : autant de noms mythiques qui l’ont attiré sur la péninsule. Malgré le profil montagneux de la région, il a négocié tôt l’accord de Maman, une sorte d’arrangement « Marathon pour toi / Péloponnèse pour moi ». Mais pour avoir mon accord, cela a été un peu plus compliqué, il faut dire que je ne suis pas aussi facile à soudoyer.
Il a commencé à me raconter que l’un des premiers livres qui lui avait été offert quand il était grand (au moins dix ans) parlait de la mythologie grecque, et de tous ces lieux magiques qui étaient à portée de pédales. Je lui ai demandé s’il y avait des Schtroumphs à cette époque là, il m’a d’abord répondu qu’il fallait demander à Homère … en réfléchissant un peu, il m’a dit que c’était fort possible, vu que l’un des héros d’Homère, Ulysse, en plus de son fils Télémaque, avait recueilli Thémis, à la peau bleue – tout au moins la représentation qu’en avait fait le dessin animé « Ulysse 31 ». Et qu’il y avait aussi dans cette histoire un petit robot, Nono. Nono, Thémis à la peau bleue, les Schtroumphs, Ulysse et les Grecs. Tout cela se tenait à peu près, j’ai dit « D’accord ». En bonus, j’ai eu l’assurance qu’on ferait un peu d’archéologie sur le site de Mycènes, en lançant la plus grande chasse au Schtroumphs jamais organisée ici.

Le Lundi par Jérôme
1989 – certains récupéraient les pierres d’un mur berlinois symbolisant la fin de la Guerre Froide. Pendant ce temps là, un voyage de lycée nous amenait moi et mes camarades en Grèce. Avec au programme la visite du théâtre d’Epidaure. Enfin « visite » est un grand mot : comme tout ado qui se respecte, on passait plus de temps à essayer d’échapper à la surveillance de nos professeurs pour braver les interdits de l’époque, au fort parfum d’ouzo. Mais l’image de cet amphithéâtre, sûrement le mieux préservé de Grèce, m’était resté en mémoire. Il donne l’idée des monuments fabuleux que les Grecs ont construit à l’époque, et dont il ne nous reste que quelques fragments ou dont nous n’avons même pas idée. Et il rappelle aussi comment une civilisation aussi brillante, comme l’était déjà celle des Perses de Mésopotamie des siècles auparavant, a pu s’éteindre en quelques siècles. Une belle leçon d’humilité sur la fragilité des mondes.

Le Mardi par Berga
Alors qu’on remonte tranquillement vers le nord, porté par un vent doux, on croise en bord de route Tobias. Partager un bout de route avec ce voyageur allemand est un bonheur tant sa bonne humeur et sa joie de rencontrer d’autres cyclistes est communicative. Cela fait plus d’un mois que l’on n’a, lui et nous, plus rencontré de voyageurs à vélo.
A la fin de notre journée, dans un petit village fréquenté par les chiens hargneux et des mamies au voile noir, nous attendons notre hôte : le froid commence à piquer et le ciel s’assombrit. Panayotis, avocat dans l’immobilier, nous appelle : il cumule les galères sur le chemin de retour d’Athènes (travail qui n’en finit pas, accrochage en voiture, panne de carburant). Une heure plus tard, le voilà : on voit que le personnage met toute son énergie pour nous accueillir chaleureusement dans sa maison de campagne. Le chauffage au pétrole y tourne à bloc, il faut bien cela pour oublier les pauvres quelques degrés qui se battent pour survivre dehors.

Le Mercredi par Berga
C’est décidé, ce sera un jour off ! Le généreux Panayotis, qui repart sur Athènes, nous propose de rester dans sa maison autant que l’on en aura besoin. Les longues journées de route précédentes m’ont bien épuisée et les prévisions météo sont médiocres, alternant pluie et rafales à 50km/h. On en profite pour faire une cure de vitamine C grâce à 10 kg de mandarines du jardin de Panayotis. Comme d’habitude, Noah tire des objets qu’il trouve une bonne raison de s’amuser. Il a dégoté au fond du jardin un bateau à roulettes un peu abîmé : il le promène à chaque sortie, le tirant contre vent et averses par une ficelle attachée à la proue. Racontant des histoires de ferry et de camions, de pêcheur et de poissons, de petit poussin et d’endroit sec. Avec Jéjé, on essaie d’identifier les fils que son imaginaire tisse.

Le Jeudi par Noah
« Aujourd’hui Noah, ça va être long ». Quand j’entends ça en rentrant dans la carriole, je sais que je suis parti pour une interminable journée à compter les oliviers depuis mon siège. Il faut dire que la météo est un bon indicateur de la journée que je vais vivre. D’ailleurs tous les matins je la vérifie avec Papa sur son portable. Aujourd’hui, voilà le bulletin : c’est vent de est-nord-est de 40 km/h, soit 3/4 de dos par rapport à notre route, temps grisâtre avec nuages menaçants, donc chance raisonnable d’averses, et 13 degrés. Un temps idéal pour avaler les kilomètres. Résultat : ragaillardis par la journée de repos de la veille, mes vieux s’installent sur la selle, appuient fort sur les pédales pendant des heures, en frisant les 20 km/h de moyenne sur un parcours relativement plat. Ma récompense après plus de 90 km : un camping abandonné par les estivaliers et balayé par le vent d’est, où je trouve un vieux cerceau de GRS. Je m’y entraîne jusqu’à bien après la nuit tombée.

Le Vendredi par Berga
Histoire de couper notre « routine » et d’aller plus vite vers notre dernier site à visiter, je propose à Jéjé d’abandonner nos vélos deux jours à Patras et de sauter dans une voiture de location direction la région d’Olympie. On trouve un loueur sympa qui prend soin de nos montures et nous met entre les mains une C3. Il fait bon dans la voiture, les sièges sont moelleux, la musique nous berce, les paysages défilent à une allure folle … mais le luxe ne nous a pas totalement perverti : on maintient le camping du soir malgré les nuages menaçants et finalement la pluie nocturne.

Le Samedi par Noah
Je franchis la porte, vestige de l’entrée des athlètes olympiques durant l’époque de la Grèce Antique. Devant moi, une longue piste de 200 mètres, 192 mètres exactement. Je m’échauffe devant un public clairsemé. Je reconnais dans l’assistance mes plus fidèles supportrices, deux mamies grecques qui m’ont bombardé de sourires à mon entrée et ont voulu me prendre en photo. Mais moi je suis déjà dans ma course. Je me mets en position, et je me demande à Papa d’annoncer le décompte. « A vos marques !  » : je m’accroupis, genoux à terre, le gauche devant, les mains sur la même ligne imaginaire, que termine l’autel de Zeus. « Prêt ! » Je lève le genou arrière, mon corps affûté est tendu vers la ligne d’arrivée. « Paaartez !!! ». Je pousse sur les jambes et je jaillis tel un disque de la main du discobole. Presque 400 mètres, à fond de cale, que je termine à l’arrachée, épuisé et rougi par l’effort violent. Les Dieux de l’Olympe n’ont plus qu’à s’agenouiller, le roi des Jeux aujourd’hui c’est moi. J’espère que le jour où je reviendrai à Olympie, une statue en marbre honorera ma performance du jour.

Derniers mètres pour la gloire

Un Commentaire

  1. Corinne toulousaine et larcatoise

    Quel bonheur de vous retrouver toujours aussi beaux souriants, plein de vie!!!!
    C’est mon cadeau de Noël!!!
    Je vous embrasse fort

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