Je vois bien que mes parents ont la flegme du stylo. C’est le vélo qui doit les émousser. Moi je vous rassure, je suis étonnamment frais. Je me vois donc obligé de prendre le relais familial pour assurer les nouvelles.
On a quitté ce soir une grande île, la Crète. D’ailleurs il a suffi qu’on pose le pied sur le bateau qui nous ramène en Grèce continentale pour que quelques heures après elle se mette à bouger, la Crète. 6,1 sur l’échelle des grands – il paraît que ça a sacrément secoué. Vous imaginez, je quitte une île, et la voilà toute déstabilisée : elle se met à trembler, de chagrin de me voir partir ou de désespoir de ne plus jamais me revoir, c’est tout comme.
Je la comprends un peu. Elle était tellement contente de me recevoir, la Crète. Voyez, chaque fois que j’ai posé le pied hors de ma carriole depuis Héraklion, elle m’a recouvert de cadeaux. Une sucette par la caissière du supermarché, une petite voiture par une jeune maman pour compléter ma collection, des barres de céréales par une mamie foudroyée par mon regard, une barre au chocolat par un immense monsieur au coeur d’or, des beignets (au chocolat) par un monsieur dans une drôle de robe, des croissants (au chocolat) par une mamie qui me caressait les cheveux, un livre d’histoires (grecques) par une grande fille de 4 ans. Il a suffi que je me pose en bord de route, que je salue les automobilistes, et voilà l’un d’entre eux qui envoie un grand coup de frein, lance une marche arrière sur 100 mètres, pour me donner un nouveau paquet de gâteaux. Ca vous est déjà arrivé ça ? On m’a même offert une bouteille d’huile d’olive. J’ai quand même regardé l’adorable mamie un peu de travers : c’est un encouragement à faire la cuisine ? Il n’y a pas mes parents pour ça ? Ou alors me suggère-t-elle de changer mon régime alimentaire car elle me trouve un peu gras ?
Il n’y a pas que les êtres humains qui sont à mes petits soins en Crète. Il y a aussi les chats. Les bruns, les tigrés, les roux, les blancs crème, les multicolores, les timides, les petits, les estropiés, … Tous et partout, ils me font la fête : sur la route, dans les rues en marchant, et surtout en camping. J’agite la boîte du muesli le matin ? Ils accourent à dix ou vingt. Je laisse tomber une miette ou une cacahuète de la table ? Ils se battent pour avoir l’honneur de la récupérer, ça n’a pas de prix un reste de Noah. Je me promène sur le bord de plage avec mes parents ? Ils se passent le mot d’ordre pour surveiller nos affaires et notre tente, personne ne peut alors s’en approcher, il faut voir ça, ils sont logés partout, sur les arceaux extérieurs de la tente, sur la toile intérieure … au grand dam de Papa, qui lui est moins réceptif à tant de dévotion. Je dors tranquillement dans la tente avec mes parents ? Ils miaulent, grognent, sifflent, bref ils chantent en choeur à mon honneur une bonne partie de la nuit.
Et puis elle me connaît, la Crète, et elle m’a gâté. Moi, il y a un truc que j’adore, c’est quand à l’horizon on voit la grande étendue bleue et scintillante, et je peux crier à n’en plus pouvoir « LA MEEEEERRRRRRRRRR » – visiblement c’est une tradition familiale des Coquet-Bonneault. Ben là, il y avait de quoi se casser les cordes vocales. Tu plantes la tente, qu’est-ce qu’il y a à moins de 100 mètres ? La mer. T’essaies de concourir contre tes vieux aux ricochets qui vont loin loin loin, quel est l’endroit le plus accessible pour jouer ? La mer. Tu passes une bosse, une colline, un col, une montagne, qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté ? La mer. Tout vient de la mer, tout repart à la mer ici : même les nuages, ils naissent de la mer, parfois ils grossissent et venir chatouiller les côtes, et puis ils repartent à la mer, c’est fabuleux. Et puis si t’es perdu en Crète, tu suis le vieux monsieur au teint buriné sur sa mobylette, car t’es quasiment sûr où il va le vieux monsieur. Au port, sur son bateau, et forcément, en mer.
Il faut quand même dire que la Crète, ça ne réussit pas à tout le monde : j’y ai vu un truc que je n’avais pas encore vu – malgré mon expérience déjà solide. L’autre matin, dans un petit village de bord de côte, Papa n’a pas voulu se lever. Je parle bien de Papa, lui qui se lève avec une idée différente tous les matins qui donne des boutons à Maman même avant le petit déjeuner, Papa qui tonne lorsque la tente est pliée « Bon elle est prête à démarrer la petite famille ? » … et Papa qui ponctue son premier coup pédale par un retentissant « En route Simone ! ». Et là, panne de secteur, silence radio, bras ballants et l’oeil vide … il a dit à maman : « J’ai besoin de me reposer. ». Ce à quoi maman a répondu : « OK – et tu comptes te lever à quelle heure ? ». Et là, je l’ai vu fulminer, dire qu’il en avait plein les pattes, de cette Crète aux montées incessantes, de la fatigue qui s’accumulait dans les cuisses, de cette carriole qui le tirait en arrière. Puis il a suggéré fortement à Maman de l’attacher à son propre vélo, à moi il m’a dit qu’au prochain Décathlon il faudrait que je m’équipe avec un deux-roues pour aussi contribuer à l’effort collectif. J’ai même vu que ma demande du câlin à trois, que je sors quand ça chauffe un peu dans la famille, a été évacuée sine die. Du coup on s’est dit avec Maman qu’il valait mieux le laisser dormir. On est parti à la plage pour la garnir de châteaux crétois en sable. Bon la sieste a été salvatrice, il est revenu deux heures plus tard sur le bord de mer en lançant : « Au fait j’ai pensé à quelque chose … Ca vous dirait pas de … ». Ca y est, c’était reparti, Simone pouvait remonter en selle. Il est comme ça Papa, quand la soupape de la fatigue s’ouvre, vaut mieux pas être assis dessus.
Et voilà, après une nuit de navigation, on arrive sur le continent, et je ne sais pas quel accueil me réservera cette nouvelle terre. En tout cas, aux nouvelles fraîches, des pluies torrentielles et des torrents de boue se sont déversés sur des portions de notre route à venir. Je ne sais pas quel signe y voir – peut être qu’elle pleure déjà de joie à l’idée de me voir arriver, la nouvelle terre.
Coucou les cyclos !!! Que de belles photos de mer, ciel bleu… tout comme les yeux de Nono…
ça donne envie… ça fait rêver… et ça réchauffe… ici la couleur dominante est plutôt le GRIS !!!
Bonne route.
Bises à tous les 3.
Coucou à vous 3, nous découvrons avec Claire votre périple et vous félicitons! Ça donne envie! … Mais les sujets du moment sont bien moins exotiques en ce qui nous concernent… Peut être parce que nos Noah sont un peu plus grands?
Le petit Noah a l’air en forme et ne semble pas impatient à l’idée d’avoir son 2 roues!! Il a bien raison…
Génial, continuez à nous faire rêver!
On vous souhaite du beau temps et du courage!!!
La Biz
Jm