Dimanche, 13 heures, la traversée de la mer Adriatique et Ionienne depuis Brindisi se termine ; un grand soleil fête notre arrivée dans le port grec de Patras. Les portes du ferry s’ouvrent, en débarquent quelques voitures de grecs rentrant au pays, suit une longue queue de camions dont les chauffeurs nous ont tenu compagnie cette nuit sur le bateau, et puis nos deux vélos et la carriole à Nono. Les camionneurs nous souhaitent bonne route depuis leur cabine, les portes des douanes sont grandes ouvertes, pas de contrôle de papiers ici. Nous voilà donc lancés sur la route qui borde le golfe de Corinthe, au nord de la péninsule du Péloponnèse – en direction Athènes.
Ici s’ouvre une histoire d’eau. Pas celle qu’on a reçue le lendemain sur le coin de la figure, ce lundi où des trombes nous ont accompagnés sur près de 100 km (vent favorable et os trempés nous ont poussé à rouler sans discontinuer, ce qui a transformé la carriole en sous-marin non étanche et notre fiston en scaphandrier des profondeurs), mais cette eau qui nous entoure, partout où notre regard porte, et ce qu’elle signifie pour le pays où nous roulons, la Grèce, avec ses 13000 kilomètres de côtes.
Le soleil revient dans un ciel limpide le mardi. On regarde la carte avec Berga : devant nous apparaît une fissure d’eau rectiligne de 6 kilomètres, reliant mer Ionienne et Mer Egée. Le Canal de Corinthe. Le pont de l’autoroute et de la nationale le surplombent d’une soixantaine de mètres – on choisit pour notre part une petite route à l’extrémité est du canal, qui semble traverser le cours d’eau au niveau de la mer via un pont raccourci. A notre arrivée au point de passage, un long cargo transportant des minerais, tracté par un remorqueur, passe devant nous et remonte la passe, séparé des rives de seulement quelques mètres. Les berges s’élèvent progressivement pour dessiner une immense entaille dans la terre quelques kilomètres plus loin. Alors que l’on se demande comment traverser le cours d’eau, un bruit sourd se diffuse, une machinerie étrange qui fait vibrer la terre. Emerge alors un pont submersible qui stagnait au fond de l’eau : nous pouvons passer de l’autre côté. Les Grecs remercient le romain Néron d’avoir le premier pensé à creuser ce canal, lançant sa réalisation avec quelques milliers de prisonniers avant d’abandonner devant le coût du projet, et plus tard les Français qui ont apporté ingénierie et fonds pour sa construction définitive au XIXe siècle.
Après une baignade dans une eau à 23 degrés, et une nuit en tente en bord de plage, on hésite le mercredi sur la route à suivre. Deux options : contourner le golfe au nord pour arriver directement sur Athènes, ou prendre une route plus directe vers le Pirée, le gigantesque port d’Athènes, en passant par l’île de Salamine via deux bacs. On choisit la seconde option, pour éviter un trafic qui s’annonce intense aux abords de la capitale et des rues pas réputées pour être adaptées au vélo. « Salamine, Salamine … mais tu ne m’as pas déjà parlé de cet endroit ? » me dit Berga, qui m’a gracieusement aidé dans les révisions de cours d’histoire grecque l’année dernière. Salamine, c’est l’une des victoires navales les plus marquantes de l’histoire de la Grèce Antique, il y a 2499 ans à quelques pouillèmes près, en -480 av JC, contre les Perses de Xerxès Ier.
Remettons nous dans le contexte : une dizaine d’années auparavant, vers 490 av JC, les Grecs, malgré leur infériorité numérique, mettent en déroute l’armée perse de Darius, grâce notamment à un équipement militaire plus complet, sur le champ de bataille de Marathon. Dix ans plus tard donc, le fils de Darius, Xerxès Ier, bien fâché contre cette cité qui a résisté à l’immense empire perse, fait construire un pont flottant par dessus le détroit des Dardanelles, arrive en Grèce avec une armée de plusieurs centaines de milliers d’hommes, soumet les cités les unes après les autres, avant de se présenter devant les portes d’Athènes, qu’il ravage. Mais les Grecs ont anticipé le coup, se retranchant plus au sud, dans le Péloponnèse, et faisant confiance à leur marine pour les défendre. Et la bataille décisive a lieu là, à quelques encablures du bras de mer que nous traversons en bac. 400 trirèmes grecques, contre près de 1000 navires perses. L’expérience maritime des grecs et l’étroitesse du passage jouent en faveur des locaux : les Perses subissent une défaite qui les expulse définitivement de la Mer Egée. L’histoire est en marche, la civilisation grecque peut s’épanouir et créer dans le siècle qui suit les bases et les valeurs de notre continent européen.
Nous apercevons au loin les grues qui marquent l’arrivée au port du Pirée. D’immenses porte-conteneurs sont stationnés le long des berges du port, chargeant et déchargeant la marchandise. Ce port n’est peut-être que le 7ème européen en terme de transit de conteneurs (tout de même devant Le Havre et Marseille), mais la puissance grecque marine est toujours présente. A l’ère antique Athènes a assis sa domination sur la Mer Egée et la Méditerranée orientale en s’appuyant sur sa supériorité navale. Aujourd’hui ce petit pays d’une dizaine de millions d’habitants, un nain au regard des forces économiques mondiales, est le premier pays au monde propriétaire de navires, possédant près de 17% du tonnage mondial, loin devant les géants mondiaux tels le Japon, la Chine ou les Etats-Unis. Les armateurs grecs ont une renommée mondiale, Onassis ou Niarchos hier, Economou ou Constantakopoulos aujourd’hui. Et nous, parcourant les rues du Pirée, dans une ville portuaire qui brasse tous les courant du monde, on savoure le mélange des genres et des cultures. Qui donne des échoppes bigarrées et des cuisines aux senteurs épicées, sur les rives d’une terre qui a toujours eu l’eau comme horizon.
Hello les 🇬🇷 » enrouta3’s » 🚵 … 🚴🚼
Encore un très joli tableau que vous nous dressez là, avec à la clé une petite leçon d’histoire.
Et le Pit’Chou a l’air de se régaler et en pleine forme ! !! !!!.
Profitez-en à fond et très bonne continuation à vous 3.
Pensons bien à Vous,😜.
Les Voisins 🍄 …
Bises tarnaises . Gilou
Le soleil de Croatie est arrivé dans notre boîte aux lettres tandis qu’à Sinsat la neige est à mi-Quié …
Après le piment rajouté par Jérôme à votre périple , goûtez maintenant aux douces saveurs des olives de Grèce.
bisous à vous trois,
Françoise et Michel
Coucou tous les 3,
J’ai reçu avec grand plaisir votre carte postale de Dubrovnik vendredi, et je suis allée à Bouan aujourd’hui avec elle dans mon sac à main. J’ai pu la montrer à Chantal, Cécile, Yannick, Henri, Didier et Vincent ! Autant dire que nous avons parlé de vos aventures, nous vous suivont et nous nous régalons avec vos textes et photos… Didier nous a raconté la recherche de la carte d’identité et le moment fatal où il jette un oeil à la date ! Que de rires ! Nous vous encourageons dans cette belle aventure et nous vous envions aussi 😉
Savez-vous qu’il a sacrément neigé sur les Pyrénées ! Ca fait deux semaines qu’il pleut tous les jours… Cette semaine nous attaquons les températures négatives, il neigera peut-être à Bouan !
Profitez bien du soleil, des bises, Nathalie